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Isis Lakabi

LE REGARD SOUS CONDITION

représentation : Fait de rendre sensible (un objet, une chose abstraite) au moyen d’une image, d’un signe, etc. ; image, signe qui représente.

Femmes, LGBTQIA+, personnes non blanches ainsi que personnes handicapées représentent à eux tous plus de la moitié de la population pourtant ils restent sous représentés dans les séries et films, par exemple en 2018, seulement 27,6% de personnages principaux étaient issus de minorités ethniques. À contrario, la présence de l’homme blanc hétérosexuel monopolise trop souvent nos écrans depuis des décennies, ce qui n’est, hélas, que reflet de notre société. Les générations passées de femmes ont grandis avec comme représentation  majoritaire celle de la femme au foyer. Les publicités, les films, la radio, les livres envoyaient souvent le même message : vous devez garder votre foyer propre pour garder votre mari. Fort heureusement les mœurs évoluent depuis le début du XXIe siècle. La mentalité change grâce à la présence de diverses minorités dans les contenus médias consommés en grande partie par la jeunesse. Jens Christian Grøndahl*, un écrivain danois affirme que “les mots s’adressent toujours à quelqu’un.” et depuis la présence des minorités dans les séries, ils peuvent à leur tour affirmer que les mots leur sont adressés. La sitcom F.R.I.E.N.D.S, initie le changement en montrant le premier mariage entre deux femmes à la télévision. En 2004, The L Word est la première série avec des personnages entièrement saphiques. En 2005 avec Grey’s Anatomy, deux acteurs noirs jouent pour la première fois dans une série, un rôle dans lequel ils ne sont pas définis par le fait d’être noirs. La même année, les Simpsons consacre un épisode entier sur le mariage du même sexe.

Au fur et à mesure des années, les différents médias tels que la télévision et le cinéma généralisent de plus en plus le fait de représenter les différentes minorités. Grey’s Anatomy, Glee, Teen Wolf ou encore Crazy Ex-Girlfriend, toutes ces séries permettent à ces mêmes minorités de se retrouver à l’écran.

En effet, les séries et les films occupent une place formative dans la société et participent au façonnement des idées. La jeunesse est la première consommatrice de séries télévisées et de films, les images que ces derniers renvoient permettent d’inculquer la tolérance et l’acceptation de soi. Mais la jeunesse n’est pas seule, la représentation des minorités dans les médias a un impact sur l’ensemble de la société. Les images façonnent le regard de la population sur le monde, offrant la possibilité d’accepter l’autre, de le découvrir mais aussi, parfois, de le juger.

Pourtant depuis quelques années, les petits et grands écrans s’efforcent à représenter ces différentes minorités quitte à parfois oublier de se concentrer sur les principaux concernés. Vous pouvez presque être sûr de trouver une personne racisée et/ou LGBTQIA+ dans la prochaine série que vous regarderez. Mais à quel prix ?

• L’utilisation excessive de clichés comme dans Harry Potter, avec des personnages tels que Cho Chang, dont l’existence repose sur des stéréotypes créées pour satisfaire des quotas. Cette abondance de préjugés dévalorisants enferme une certaine communauté dans un stéréotype et entame le processus inverse de la représentation positive.  

• Le bury your gays** dans les séries télévisées où un des deux personnages du couple homesexuel finit toujours par mourir, comme dans Killing Eve, The 100, Supernatural ou Chicago Fire. Par exemple comme le site internet Gitnux le démontre, 10% des personnages décédés dans les séries télévisées en 2015 sont des femmes queer. La simple action de « tuer » un personnage queer suggère à l’imaginaire collectif que leur existence est questionnable.

• La technique du Queerbaiting, utilisée dans de nombreux films notamment ceux de Marvel Cinematic Universe, qui consiste à laisser le doute planer d’une éventuel romance entre deux personnes du même genre pour attirer une audience queer, mais ne jamais concrétiser la relation pour garder l’audience hétérosexuelle. Cette utilisation forcé de personnages queer, revient à offrir une visibilité néfaste pour la communauté.

Personne n’a envie de continuer à diffuser des stéréotypes négatifs qui les rabaissent. Le combat n’est pas fini, les homophobes continuent à hurler à la « propagande homosexuel » dès qu’un personnage queer apparait à l’écran, les racistes continuent à questionner la réelle nationalité des acteurs qui deviennent populaires…

Peut-être faut-il commencer à questionner les principaux concernés. Quand est-ce que la voix des minorités se fera entendre ? Personne ne devrait avoir à se justifier de la simple raison d’exister. Tout le monde devrait avoir la chance de se voir à l’écran, de pouvoir s’identifier à travers un personnage.  

« La façon dont on nous voit détermine en partie la façon dont on nous traite ; la façon dont nous traitons les autres s’appuie sur la façon dont nous les voyons ; cette façon de voir vient de la représentation. » Richard Dyer***


* Jens Christian Grøndahl est un écrivain danois qui place les femmes au premier plan dans ses romans.
** Bury your gays : “enterre tes gays.”
*** Richard Dyer est un historien du cinéma britannique pionniers des recherches sur la représentation des homosexuels.